Chers adhérents, Chers lecteurs,
L’été, temps de repos et de détente, est également un moment propice pour prendre un peu de recul sur la situation économique, d’en analyser les contours pour quelques réflexions et mises en perspective.
Ces trois dernières années, le monde et récemment plus particulièrement l’Europe, a connu des crises d’une gravité et d’une nature exceptionnelles : à peine sortis du confinement et de la pandémie, l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022, a provoqué une hausse des prix de l’énergie, comme nous n’en avions pas connu depuis les chocs pétroliers de 1973 et 1979.
Ces crises diffèrent par leur nature des chocs économiques « classiques », tels que la crise financière de 2008, ou d’autres cycles économiques endogènes. Elles ont également suscité des réponses non moins exceptionnelles de la part des Etats concernés : confinements, mesures économiques de soutien et de compensation à l’arrêt de l’activité, production et diffusion rapide des vaccinations d’une part ; sécurisation des approvisionnements de gaz, mise en place de boucliers tarifaires d’autre part.
Aussi, nos économies ont-elles successivement connu une forte baisse puis un rebond non moins spectaculaire de leur activité, pour se heurter à une crise des prix de l’énergie, poussant à nouveau l’économie aux portes de la récession. De plus, l’afflux monétaire initié par les politiques budgétaires et le soutien des banques centrales, a poussé les prix des biens en demande à la hausse, un début d’inflation accentué par la hausse brutale des prix de l’énergie et des matières premières alimentaires, touchant directement le pouvoir d’achat des ménages mais aussi les besoins vitaux de nombreux pays émergents, clients traditionnels des blés et autres céréales russes et ukrainiennes.
La menace inflationniste a conduit les banques centrales – à l’exception de la Chine et du Japon – à prendre un virage à 180° et relever leurs taux directeurs à partir de 2022, dans un mouvement d’une ampleur et d’une rapidité jamais vus à ce jour. Hausse du coût de la vie, montée des tensions géopolitiques et commerciales, contraction du crédit, la situation économique se détériore, amortie cependant par la poursuite de la dépense publique, la capacité des ménages à puiser dans leur épargne accumulée durant la pandémie, la résistance et la dynamique encore notable du marché du travail.
Pour ce qui est de la France, l’invasion de l’Ukraine et la fermeture des gazoducs russes a eu pour conséquence une inversion des flux gaziers dans notre pays, désormais du Sud vers le Nord et de l’Ouest vers l’Est, grâce aux infrastructures portuaires notamment. Bien que moins dépendante que ses voisins – particulièrement l’Allemagne – du gaz russe, la France a subi une hausse violente des prix de son électricité, du fait de la défaillance de son parc nucléaire. Pour la première fois depuis des décennies, la France était importatrice nette d’électricité durant l’hiver 2022/2023. Ces hausses de prix ont conduit les ménages et les entreprises à réduire leur consommation, un exercice de sobriété qui a permis d’éviter les coupures d’alimentation au cours des périodes – heureusement courtes – de pointe.
Depuis le printemps, les prix du gaz comme de l’électricité ont fortement baissé, soulageant nos porte-monnaies. Cependant avant l’hiver prochain, la situation reste fragile : outre les tensions persistantes dans le Donbass et les menaces sur la centrale nucléaire de Zaporizhia, la France reste à la merci d’un hiver particulièrement rude et, tout comme ses partenaires européens, de demandes de gaz concurrentes, venues notamment de Chine (celle-ci toujours en confinement l’hiver dernier, avait réduit sa consommation de gaz naturel).
Rappelons en conclusion que la crise de l’énergie que nous traversons, ne peut se comparer à celle de 73 et 79, en ce qu’elle ne saurait être résolue par le recours à la prospection de nouveaux champs d’énergie fossile. Elle nous rappelle en revanche et nous confère l’opportunité d’accélérer nos investissements en direction de nouvelles énergies renouvelables et la réduction massive de nos émissions de CO2 à l’horizon de 2030 et 2050. Il ne fait guère de doute qu’une partie de la réponse à ces défis passe par la poursuite des efforts de sobriété, afin d’accompagner la transformation de nos procédés de production d’énergie.
Ainsi, si la guerre en Ukraine a mis en lumière notre trop grande dépendance au gaz russe, elle a également souligné l’importance du recours au gaz (biométhane, hydrogène) pour satisfaire à nos besoins de flexibilité et d’assurance dans notre mix énergétique. N’oublions pas que le gaz naturel s’impose encore comme une énergie de transition incontournable pour les pays dépendants du charbon – la première source d’émission de gaz à effet de serre. Il reste que l’Europe s’interroge encore sur les moyens et la capacité à rallier le reste du monde à ces enjeux. Face à la concurrence des grands partenaires commerciaux et aux besoins des économies émergentes, l’Union Européenne devra-t-elle recourir à des mesures garantissant l’égalité des champs d’action, sans recourir pour autant à un strict protectionnisme ?
Dans tous les cas, notre épargne sera désormais sollicitée – et à bon droit – pour contribuer à l’effort collectif. Un effort qui pourra s’avérer rentable car notre avenir énergétique ne peut se limiter à des contraintes punitives. La hausse des prix, le rappel et le renforcement de nos objectifs de moyen terme, sont autant d’opportunités d’investissements, à mesure que se déploient les effets d’échelle et que s’investit l’innovation dans ces nouveaux secteurs.
- Valérie Plagnol
Achevé de rédiger le 7 juillet 2023
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