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« Le temps de l’argent facile est terminé »


Pierre-Olivier Beffy Gérant et chef économiste chez Boussard et Gavaudan
Pierre-Olivier Beffy Gérant et chef économiste chez Boussard et Gavaudan Président de l’association «L’Eco à venir»

Les Français continuent d’épargner beaucoup alors que l’inflation affecte la consommation. N’est-ce pas contradictoire ? Qu’est-ce que cela signifie ?

En effet, l’effort d’épargne reste important, comme en témoigne le taux d’épargne des ménages qui reste bien au-dessus des niveaux précédant la crise sanitaire. C’est principalement dû au soutien budgétaire encore très conséquent qui a amorti la pression à la baisse de l’inflation sur le pouvoir d’achat. En quelque sorte, nous ne sommes pas encore sortis complètement du « quoi qu’il en coûte » et une partie de l’argent public est épargné. On observe toutefois que le taux d’épargne baisse depuis ses plus hauts atteints pendant la crise sanitaire. Et ce n’est sans doute pas fini car au fur et à mesure que le soutien budgétaire est retiré, les ménages ressentent davantage une baisse de pouvoir d’achat. Ils sont alors, au moins dans un premier temps, obligés de réduire leur effort d’épargne pour préserver leur consommation à court terme.


Y a t-il du point de vue de l’économiste un niveau optimal pour le taux d’épargne ?

Il y a beaucoup d’argument théorique pour déterminer un niveau optimal d’épargne. Mais dans les faits, la théorie est difficile à appliquer car elle dépend de trop d’hypothèses. Si on veut être plus pragmatique, l’épargne sert essentiellement à reporter à demain la consommation. On peut le faire pour se protéger contre l’incertitude de nos revenus futurs, faire face à une chute de nos revenus à la retraite, ou anticiper une hausse du coût de la vie par exemple. Mais encore faut-il en avoir le choix. C’est davantage le cas des ménages aisés alors que les ménages les plus modestes n’ont pas les moyens d’épargner beaucoup, donc ils sont simplement contraints par l’évolution de leurs revenus.


Au final, derrière les moyennes théoriques, il y a une grande diversité de comportements d’épargne. Mais si on veut financer les investissements à venir, par exemple pour changer notre modèle énergétique tout en gardant notre indépendance financière, il va falloir épargner de manière importante dans le temps !

Le soutien public irrigue désormais massivement l’économie dans un contexte démographique, de globalisation et de coûts additionnels favorables à l’inflation.

Les taux d’intérêt sont fortement remontés ces dernières semaines. Quelles sont les raisons ? Quelles sont vos prévisions pour la fin de l’année ? Pour faire simple : l’argent gratuit, c’est fini ! Depuis la crise financière de 2009 jusqu’à la crise sanitaire de 2020, l’Etat a dépensé sans compter et les banques centrales ont imprimé toujours plus de monnaie pour éviter l’effondrement de l’économie et soutenir les ménages et les entreprises. Tout cela était possible quand l’inflation restait faible, mais les conditions sont désormais réunies pour une hausse durable de l’inflation. Un des points les plus importants à comprendre, c’est que le soutien public irrigue désormais massivement l’économie dans un contexte démographique, de globalisation et de coûts additionnels (transition énergétique, contraintes démographiques, …) favorables à l’inflation. Si l’inflation est structurellement plus élevée, les taux montent également… et ce n’est sans doute pas fini. Cela va se propager aux ménages avec des taux immobiliers qui vont probablement dépasser 4% sur 20 ans, et aux entreprises et à l’Etat qui doivent refinancer leurs dettes dans les années à venir.


Vous créez une association –« l’éco à venir »– regroupant de nombreux économistes d’horizons différents. Quel est le but de cette association ?

Notre démarche citoyenne est d’apporter les clés de l’économie au plus grand nombre. L’association L’éco à venir est constituée d’économistes de terrain expérimentés. Avoir des économistes du monde associatif, du secteur privé comme du secteur public, des enseignants ou des chercheurs, et même des étudiants, est une vraie richesse pour débattre et éviter des biais politiques ou idéologiques, et c’est unique en France. Nous valorisons les faits, faisons appel à l’esprit critique des citoyens et tentons d’éclairer les débats économiques.


L’un des objectifs de l’association est de faire plus de pédagogie. Pensez-vous que les Français manquent de connaissances économiques ?

Les idéologies s’immiscent partout, le débat régresse, les technologies augmentent la capacité de manipuler. Il manque parfois simplement les outils pour bien comprendre l’économie et améliorer la qualité des choix que chacun d’entre nous font en épargnant ou en achetant un bien immobilier par exemple. A ce titre, notre approche est innovante car nous souhaitons avant tout donner les outils pour comprendre l’économie, plutôt que de donner notre avis sur tout. Par exemple, tous les jours, nous diffusons des podcasts de 3 minutes, et tout le monde peut les écouter sur les plateformes classiques de diffusion ou les retrouver au sein de la bibliothèque de podcasts de notre site internet (lecoavenir.fr). Nous avons des projets éducatifs avec un jeu pour les lycéens et les étudiants de premier cycle et des projets pédagogiques pour éclairer la place de la France dans le monde.

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