Entretien avec Franklin Morin, chief investment officer de Nalo
Quel est l’élément le plus marquant selon vous dans l’évolution récente des marchés ?
Sans aucun doute la remontée des taux d’intérêt ! Ce qui est particulièrement frappant c’est que nous assistons à la première véritable hausse des taux après pratiquement 30 ans de baisse, ce qui veut dire que beaucoup d’investisseurs et d’épargnants basculent dans un monde qui leur est inconnu et pour lequel ils n’ont aucun repère. Il est impossible de se servir des modèles passés pour anticiper l’avenir. Un exemple : depuis 30 ans le marché immobilier ne fait que grimper, en particulier à Paris. Comment peut-on extrapoler cette tendance passée dans un contexte de durcissement des taux d’emprunt, de confinements successifs et de renforcement du télétravail qui pousse les parisiens à s’éloigner de Paris ?
Est-ce que la situation change la hiérarchie entre Livret A et Assurance-vie ?
Il y a plutôt une inversion dans le comportement de ces produits à court terme. En période de baisse des taux, le Livret A est toujours un peu en avance de phase sur l’assurance vie, car comme il est indexé sur l’inflation, son taux d’intérêt baisse plus vite que le rendement servi par les obligations détenues dans les fonds en euro, lesquels mettent en moyenne 6 ans à renouveler leurs stocks et qui donc ont toujours un reliquat d’obligations servant des taux plus élevés que le Livret A. En phase de remontée des taux c’est l’inverse, le Livret A sera toujours un peu plus attractif à court terme le temps que les fonds en euro rachètent des obligations servant des rendements plus élevés.
La hausse des taux fragilise-t-elle le marché obligataire ?
L’essentiel de la correction est probablement derrière nous mais il est vrai que les obligations ne jouent plus vraiment le rôle de “valeur refuge” auquel elles nous avaient habitué. Mais à long terme, cette remontée des taux vers des niveaux plus « normaux » (sur le plan historique) est une bonne nouvelle : taux plus hauts veut aussi dire coupons plus élevés. Cela permet au marché de retrouver un couple rendement-risque plus favorable, donc de permettre aux investisseurs de réduire leur risque pour un rendement espéré similaire.
Que doivent faire les épargnants dans un tel contexte ?
Pour les épargnants, mais aussi les investisseurs le message est très clair : surtout ne changez rien, ne paniquez pas, et restez investis sur le temps long. Nous sommes tous, en tant qu’humains, soumis constamment à des biais cognitifs qui nous poussent à surréagir dans des situations de tension ou de crise, en étant persuadés que cela sera pire encore demain. Mais l’histoire économique démontre au contraire que les meilleurs placements sont ceux où l’on garde ses positions sans bouger.
C’est difficile à entendre pour quelqu’un qui est rentré sur les marchés actions il y a deux ans et qui a connu deux années de progression à deux chiffres de son portefeuille. Forcément, quand il se retrouve dans une situation de correction comme en ce moment, il a le sentiment de perdre de l’argent. Mais la situation anormale est plutôt celle qui a prévalu au cours des deux années précédentes comparativement à la moyenne des gains annuels des marchés actions, plutôt de l’ordre de 8% par an sur le très long terme.
N’y a-t-il pas un manque de formation financière chez les épargnants ? Probablement, oui. J’ai été très marqué par le dernier baromètre de l’épargne et de l’investissement publié par l’AMF où la moitié des personnes interrogées disaient ne pas accepter de souscrire à un placement garanti s’il offrait un taux inférieur à 2,9%. Or 2,9% c’est un niveau particulièrement élevé pour un placement garanti, quand on pense que l’État français par exemple offre des taux autour de 1% voire négatifs il n’y a pas si longtemps que cela. Par manque de formation financière, certains n’ont peut-être plus tout à fait les bons repères…
Justement, l’AMF vient de publier un rappel à l’ordre à l’intention des fournisseurs d’épargne en ligne leur reprochant de négliger leurs devoirs d’information et de pédagogie à l’égard des épargnants. Qu’en pensez-vous ?
Je ne peux qu’être d’accord. J’ai pu moi-même observer que certains acteurs sur ce marché n’ont pas toujours de bonnes pratiques en termes d’information, par exemple en comparant leurs performances avec celles d’acteurs établis depuis plusieurs années, en oubliant de préciser qu’eux-mêmes n’ont que quelques semaines d’existence ! Ou bien en indiquant pratiquer des frais de gestions plus bas, sans préciser que cela est pour seulement trois mois…Un rappel à l’ordre était logique.
Chez Nalo, nous pensons qu’il est de notre devoir d’accompagner nos clients à travers la jungle des placements, avec du contenu pédagogique clair et accessible. Nous avons développé un blog et un guide de l’investisseur qui sont très appréciés de nos clients selon leurs feedbacks. Nos conseillers sont d’anciens banquiers privés qui connaissent bien les besoins des clients particuliers, et nous élaborons nos communications et le design même de notre interface dans l’optique de rendre l’investissement plus compréhensible et surtout plus en phase avec la situation/les spécificités de chacun.
Ceci nous semble d’autant plus nécessaire que les français deviennent davantage acteurs de leur épargne, par choix et/ou par la force des choses.
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