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La bourse et les élections américaines

Portrait de Jean-François Boulier
Jean-François Boulier

Par Jean-François Boulier, membre du Conseil scientifique du Cercle des Épargnants

Indéniablement l'élection présidentielle américaine préoccupe. La campagne n'a pas manqué de rebondissements, entre la tentative d'assassinat de Donald Trump et la démission de Joe Biden, l'actualité politique outre Atlantique nous tient en haleine. Le retour de Trump au pouvoir aurait il les conséquences néfastes sur la situation géopolitique, et par voie de conséquence sur l'économie mondiale, comme bon nombre de non américains le redoutent ? Même si la théorie financière ne dit rien de l'influence politique sur les valorisations boursières, l'expérience montre qu'elle peut être extrêmement forte. La chute de quelque 30% de la bourse française au lendemain de l'élection de François Mitterand en 1981 en est un exemple parmi d'autres. Quel est donc, en moyenne, l'impact des évènements politiques sur les bourses, avant, pendant et après une élection américaine ?


Pietro Veronesi, professeur et expert de l'université de Chicago*, a étudié de près les questions relatives aux impacts politiques sur les bourses, notamment sur la bourse américaine, et voici ses principales conclusions. Les marchés d'actions partout dans le monde préfèrent les élections des partis conservateurs, du moins pendant les tous premiers jours. Car paradoxalement, la performance boursière pendant les mandats démocrates aux USA surpasse de 9,6% annuellement (en moyenne sur les derniers cent ans) celle des mandats républicains. Ce sont d'ailleurs les premières années des mandats démocrates qui font la différence avec quelques 36,9% de différence sur l'année post-électorale ! L'économie elle-même fait mieux sous les démocrates avec 3.2% de croissance supplémentaire (sur cette même période).


Pietro Veonesi attribue ces différences, surprenantes au premier abord, à l'impact du risque politique. En analysant les marchés d'options sur indices boursiers sur une vingtaine de marchés, il observe qu'ils sont un indicateur du risque politique et que les chances d'avoir un président américain démocrate sont significativement plus fortes quand ce risque est élevé. Il suppute que les électeurs choisissent un démocrate quand la situation économique est mauvaise et que le risque politique est élevé ; il en résulte, selon lui, une politique redistributive qui améliore l'économie dans son ensemble, bien qu'elle s'avère fiscalement plus douloureuse, notamment pour les entrepreneurs.


Les mandatures démocrates américaines coïncident également avec des performances très positives des bourses internationales : en moyenne plus 13.2% au Canada, 7% en Angleterre et même 13.6% en France, sur les années d'après-guerre. L'effet d'entraînement de la bourse américaine est donc très sensible, dans ce domaine aussi. Mais l'effet "gauche" est aussi perceptible sur d'autres marchés. Les années 80 sous la présidence de Mitterand ont par exemple été très favorables à la bourse, malgré un départ particulièrement chahuté comme nous l'avons déjà rappelé. Plusieurs dispositions très efficaces pour les marchés financiers avaient d'ailleurs été prises par Pierre Bérégovoy, ministre des Finances d'alors, peu susceptible, de part son passé de syndicaliste, d'avoir un intérêt personnel pour les plus-values boursières.


La théorie financière indique bien que les valorisations doivent traduire les risques et donc que la prime de risque action puisse intégrer le risque politique. La montée de ces risques politiques avant un changement notable de gouvernement impacte toute l'économie et donc l'ensemble des valeurs cotées, certes avec des différences d'amplitude. C'est d'ailleurs ce que l'on a pu observer en France depuis le début de l'été. Il n'est donc pas surprenant que lorsque cette prime de risque revient à une valeur plus faible, la bourse connaisse une belle performance. L'échéance électorale américaine de cet automne n'échappera sans doute pas à la règle. La bonne santé de l'économie pourrait s'avérer paradoxalement défavorable aux démocrates, pour autant que l'histoire se répète. Et, si Trump l'emportait, le succès de la bourse pourrait bien s'avérer de courte durée. Bien sûr, les analyses statistiques n'apportent qu'une vue partielle sur ces réalités parfois changeantes. Et dans ce domaine, les approches de court et de long terme apportent des réponses bien différentes...


 

* "Political uncertainty and asset prices", Pietro Veronesi, Séminaire Inquire, Southampton mars 2024

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