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Investissement responsable : que nous apprend la recherche économique ?

Dernière mise à jour : 5 déc. 2023

Par Jean-François Boulier


Jean-François Boulier
Jean-François Boulier

L'essor indéniable des activités financières depuis les années 80 a permis le développement en France de nombreux services et produits, dont notamment les fonds mutuels, supports des unités de compte des contrats d'assurance vie. Mais cette croissance n'a pas été sans excès. La crise des "subprimes" en a été la parfaite illustration en 2008. L'une des réponses est le développement de ce que l'on nomme aujourd’hui la finance responsable.


Cette approche plus inclusive de la finance, vise à mieux servir les besoins au sens large de la société, sans renier les principes de bonne gestion et de juste valeur qui sont à la base des succès de la discipline. Ainsi sont apparus, dans le domaine de l'épargne, des labels comme celui de l'ISR (Investissement Socialement Responsable, https://www.lelabelisr.fr/) créé par le ministère des finances avec le soutien de nombreux professionnels. Les grands investisseurs, institutions de retraite, d'assurance ou fonds souverains, ont quant à eux, progressivement embrassé la démarche, au point qu'environ deux tiers des fonds gérés dans le monde se réclament d'une démarche d'investisseur responsable. C'est même plus de 80% en France, particulièrement en pointe sur ces sujets (Enquête de l’association française des investisseurs institutionnels 2023). L'accord de Paris sur le climat et une loi obligeant les grandes institutions à déclarer ce qu'elles font en matière de climat, d'impact social et de bonne gouvernance, ont été des catalyseurs de cette remarquable évolution.


Comment les épargnants considèrent-ils ces notions "extra financières" et quelles en sont les conséquences sur leur comportement d'épargne ? La théorie financière a longtemps considéré que seule la performance financière devait être prise en compte, en y ajoutant toutefois les risques et la liquidité des avoirs. Pourtant quelques travaux conduits par des chercheurs universitaires sur des populations d'épargnants tendent à montrer que la réalité est plus complexe que les hypothèses auxquelles s’est longtemps limitée la théorie classique. Car l'épargnant est un citoyen dont les objectifs ne sont pas uniquement financiers et dont les connaissances économiques sont souvent hétérogènes.


Par exemple, une étude[1] conduite sur la clientèle d'un intermédiaire boursier Belge a montré que les portefeuilles de titres détenus par les épargnants variaient selon leur appétit au risque ce que la théorie reconnaît, mais aussi selon leurs connaissances financières et leur intérêt pour les questions sociétales. Une autre étude plus récente conduite sur les étudiants de l'université de Nancy[2] a également montré combien les intentions d'épargne étaient dépendantes de l'appétit des individus pour les questions d'environnement ou de société. Il semblerait même qu'il y ait une plus forte propension à retenir ces facteurs extra-financiers quand la compétence financière est moindre...En matière de choix, l'individu penche pour ce qu'il comprend et auquel il adhère. On est bien loin de l'Homo Economicus que le regretté Daniel Cohen caricaturait dans son livre éponyme.


Ces évolutions sont loin d'être arrivées à leur terme. Aussi est-il très utile de suivre les évolutions des produits qui mettent en oeuvre l'investissement responsable de différentes manières, en excluant les pollueurs ou au contraire en les aidant à investir dans la transformation énergétique et écologique par exemple. Une nouvelle approche réside dans la définition précise d'impacts, parfois en les rattachant aux 17 objectifs de développement durable définis par les Nations Unies. Il faut également développer les recherches permettant de mieux comprendre les comportements des différentes catégories d'épargnants afin d'apporter de meilleures offres et de dissuader ou d'encadrer l'exploitation des biais des individus par un marketing abusif par exemple.


De nombreuses initiatives visent depuis quelques années à encourager les recherches en la matière et à diffuser les meilleures pratiques. L'ONU a ainsi lancé une association internationale d'investisseurs responsables, les PRI ( Principle of Responsible Invesments ); en France le FIR ( Forum de l'Investissement Responsable ) a diffusé depuis une vingtaine d'années les travaux les plus intéressants en les récompensant par des prix ; l'Association Française de Finance et plusieurs associations professionnelles de financiers ont quant à eux créé une conférence permettant aux chercheurs et aux professionnels de débattre de ces sujets en plein essor : les Entretiens de la Finance Durable[3].


Le conseil scientifique du Cercle des épargnants reste attentif à cet essor de la finance durable et communiquera régulièrement dans cette lettre sur les avancées les plus marquantes.


 

[1] What drives retail portfolio exposures to ESG factors?, Catherine D'Hondt, Maxime Merli, Tristan Roger, Financial Research Letters 2022 [2] Are Z Generation young people potential investors in sustainable finance ?, Nadege Ribau-Peltre, BMI 2023 [3] https://www.af2i.org/les-entretiens-de-la-finance-durable-vendredi-15-decembre-2023/



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