A l’occasion des 100 ans de la journée mondiale de l’épargne qui s’est tenue le 31 octobre, deux économistes du Groupe Caisse des dépôts – Flore Deschard et Yann Tampereau – ont publié une étude sur un phénomène qui caractérise, la « sur-épargne », autrement dit la tendance des Français à épargner davantage depuis quelques années par rapport à la moyenne historique. Voici un extrait de leurs principales conclusions.
D’abord un constat : le taux d’épargne des ménages se situe à 18 % (au 2e trimestre 2024) contre un niveau avant crise autour de 14,5 %. « Ce comportement de « sur-épargne » s’est encore accentué récemment : au 2e trimestre 2024, le pouvoir d’achat des ménages a augmenté de 1,9 % sur un an, alors que la consommation des ménages en volume n’a progressé que de 0,7 %. Le taux d’épargne a augmenté, passant ainsi entre le 2e trimestre 2023 et le 2e trimestre 2024 de 16,9 % à 18,0 % », détaillent les économistes.
Cinq pistes d’explications à ce comportement de « sur-épargne » sont évoquées. La première serait une tendance à privilégier plus que de coutume l’épargne dite de précaution. Même si les indicateurs économiques des dernières années étaient plutôt favorables, notamment avec une forte baisse du taux de chômage, il est possible que les Français anticipent un avenir plus sombre et qu’ils épargnent en conséquence. Justement, et c’est la deuxième explication avancée par les économistes, le contexte de finances publiques qui se dégradent fortement a certainement induit une prise de conscience d’un niveau d’endettement devenu très élevé, ce qui peut « exacerber le réflexe ricardien d’épargne à court terme afin de parer aux hausses futures d’impôts (hausse du coefficient historique de la modélisation) », détaillent les économistes.
Troisième raison possible « une volonté de protéger le patrimoine du choc inflationniste post Covid ». Ainsi, « entre le 4e trimestre 2021 et le 2e trimestre 2024, l’encours des actifs financiers des ménages a augmenté de 2,2 % mais leur encours réel, c’est à dire leur pouvoir d’achat en biens et services à la consommation a reculé de 8,5 % : une des raisons de la « sur-épargne » pourrait être la reconstitution du pouvoir d’achat de leur patrimoine, amoindri par la forte inflation observée en 2022 – 2023 ».
Quatrième piste, la concentration de la « sur-épargne » sur les plus hauts revenus. De fait, plus un ménage est aisé, plus la part de son revenu qu’il épargnera sera importante : les 20 % des ménages les plus aisés épargnent plus de 25 % de leur revenu disponible net.
Enfin, la démographie joue un rôle majeur. Les économistes de la Caisse des dépôts l’expriment ainsi : « d’après la théorie du cycle de vie de Modigliani, les agents modifieraient leur comportement de consommation et d’épargne au cours de leur vie : les individus accumulent tout d’abord de l’épargne avant de désépargner en fin de vie, pour garder le même niveau de consommation. Cette théorie, qui suppose que les revenus à la retraite sont nettement inférieurs aux revenus en activité, ne se vérifie pas en France : on n’observe pas de comportement de désépargne dans la population plus âgée, mais tout au plus de moindre épargne en raison notamment de la volonté de transmission d’un patrimoine et d’une consommation qui diminue avec l’âge. Le vieillissement de la population à l’œuvre n’entrainerait donc pas une baisse structurelle du taux d’épargne mais au contraire pourrait soutenir son maintien à un niveau plus élevé que précédemment ».
Sans préjuger de la plus prépondérante parmi ces cinq pistes, les économistes de la Caisse des dépôts en concluent que toutes ces explications « convergent vers un taux d’épargne durablement plus élevé qu’il n’a été ». La bonne nouvelle est que cette sur-épargne de long terme permet de financer des secteurs d’avenir. La mauvaise est que cela obère la consommation, donc pèse sur la croissance économique.
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