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Photo du rédacteurValérie Plagnol, Présidente

Épargner dans un monde surendetté

Dernière mise à jour : 2 oct.

Portrait de Valérie Plagnol

par Valérie Plagnol, présidente du Cercle des Épargnants


A l’occasion de la publication du rapport d’activité du Cercle des Epargnants lors de l’Assemblée Générale Annuelle du 23 septembre 2024 la présidente Valérie Plagnol, économiste, est revenue sur l’actualité marquante de 2023 pour les épargnants et présenté ses perspectives pour les prochains mois. Extraits :


L’année 2023 a été marquée par la remontée des taux directeurs des principales Banques centrales (à l’exception notable du Japon et de la Chine) qui s’est poursuivie en partie pour se stabiliser à un plus haut de 14 ans en fin d’année. Depuis, les marchés qui s’attendaient à une détente monétaire aussi proche que significative, ont dû reporter leurs anticipations tout au long des premiers mois de 2024. Les premiers mouvements de détente aux Etats-Unis et en Europe se sont faits jour durant l’été.


 En 2023, toujours, les marchés boursiers ont connu un net rebond – à l’exception notable de la Chine – après une année de correction en 2022. L’adage voulant que les marchés aient près de 6 mois d’avance sur la conjoncture, il semble bien qu’une bonne partie – une partie seulement – de ce rebond ait été le fait des anticipations de détente des politiques monétaires.


A cela se sont ajoutés des points de performances fondamentales : 2023 l’année de l’Ozempic et de l’IA ! En effet, l’année écoulée a vu l’engouement des marchés pour les laboratoires pharmaceutiques, qui, après les vaccins contre la Covid – et ce ne sont pas forcément les mêmes – ont commencé à mettre sur le marché de nouveaux traitements contre le diabète, ayant pour vertu de permettre un formidable et semble-t-il radical amaigrissement. Du côté de l’IA, l’explosion (littéralement, il n’y a pas d’autre mot) de l’IA, a suscité un fantastique engouement des marchés. La Société Nvidia a connu en une seule année une performance sans pareil. Les GAFAM sont clairement de retour. Pas toutes à la même à allure, cependant : Microsoft comme Meta sont les grandes gagnantes de ce nouveau « phénomène », mot employé à dessein car il est général.


Enfin, la crise des prix de l’énergie, la poursuite de la guerre en Ukraine, la montée des tensions et l’éclatement d’un nouveau conflit au Moyen-Orient au lendemain des massacres du 7 octobre 2023, ont entretenu la crainte des investisseurs. De fait, le point focal de 2023 est resté – et de loin - l’évolution des prix. Le reflux progressif des prix des énergies d’une part, comme ceux des matières premières d’autre part, permet d’amorcer le reflux des prix. Mais il reste insuffisant, tant le « ressenti » prévaut, comme se manifestent des effets retard : en effet, la stabilisation des prix, voire un certain reflux n’efface pas les hausses précédentes. Prenons l’exemple du prix du gaz naturel : certes la baisse est spectaculaire en 2023 puisqu’il repasse de plus de 350 €/MWh à l’été 2022, à moins de 40 €/Mwh à l’automne 2023. Les opérateurs qui ont dû se fournir en 2022, pour remplir leurs stocks, se trouvent pris à contrepied pour vendre, tandis que la baisse des prix ne compense pas leurs pertes. C’est d’autant plus marquant dans ce cas que d’une part, même sous les 40 euros, les prix ne sont pas revenus à leur niveau d’avant-crise, et d’autre part, d’autres coûts de productions viennent s’ajouter à ceux de la molécule.


Pour analyser les évolutions possibles des marchés dans les prochains mois, il convient d’abord de prendre de la hauteur. S’agissant de l’évolution des taux de la France depuis les années 60, nous pouvons constater que :


  • Nous avons connu une longue période de baisse tendancielle des taux d’intérêt à long terme, grâce (ou à cause) à des politiques monétaires rigoureuses au lendemain des chocs pétroliers, de l’entrée dans l’euro et d’une période de quasi-déflation qui a suivi la crise des subprimes (un phénomène économique qui n’est pas si rare au lendemain d’une crise de la dette de cette ampleur, même si d’autres facteurs ont été à l’œuvre).

  • Un rebond non moins spectaculaire depuis 2021, de ces mêmes rendements, au lendemain de la crise de la Covid qui a marqué un point bas dans ce cycle.


Sur le plan macroéconomique, ces quarante dernières années ont également été marquées par un ralentissement progressif de la productivité, une rude transformation industrielle, l’émergence de la Chine et d’autres économies dites émergentes sur la scène économique et politique mondiale, un vieillissement de la population des pays développés.


Zoomons un peu :


Suivant la crise des subprimes, nos pays ont connu une période de rendements en fort déclin et même des taux d’intérêt nominaux négatifs ! Du jamais vu. Rappelons que sous ce vocable se dissimule une crise immobilière générale aux Etats-Unis (pour la première fois de son histoire tout le pays est touché) et dans d’autres pays (notamment en Europe, l’Irlande, l’Espagne, le Portugal, la petite Islande etc.) – qui mettent à genou toutes les économies. Les interventions massives des Etats pour sauvegarder le système financier (aux Etats-Unis le plan Obama dès 2008, en Europe en pleine crise grecque), l’afflux monétaire tombe dans une « trappe à liquidité », telle que le processus de désendettement prend le pas sur toute autre considération. N’oublions pas à cette date, l’aide indirecte de la Chine, qui lança un formidable plan de relance interne, propre à soutenir sa demande et résister à la propagation de la crise (notons que cette fois-ci c’est loin d’être le cas).


 La crise de la Covid, l’arrêt brutal de l’activité mondiale, n’a fait à première vue qu’accentuer cette situation. En fait, elle y a mis fin. Une fois de plus, les Banques Centrales sont massivement intervenues en garantissant la dette des Etats, qui ont ainsi protégé une grande partie de leurs consommateurs et de leurs producteurs.


Mais depuis on constate une nette remontée des rendements obligataires. Est-ce durable ? Jusqu’à quel point ?


Nous sommes effectivement sortis de la période de déflation qui a suivi la crise des subprimes. La Covid, l’intervention massive des Etats et des Banques centrales, ont « soldé » la période précédente, en Europe et aux Etats-Unis, et peut-être même au Japon. Attention ce n’est pas le cas de la Chine, qui elle, connait une grave crise immobilière et peine à se relever de la crise précédente.  Plusieurs facteurs jouent dans le sens d’un retour d’une « inflation », disons une hausse modérée des prix :

D’abord, les salaires commencent à rattraper les prix ; les tensions sur le marché de l’emploi risquent de persister même si la conjoncture se détériore et montre une moindre dynamique de créations d’emploi.


S’y ajoutent deux facteurs prépondérants – et pas forcément rassurants :


  1. La remontée des dépenses de défense et pas seulement d’investissement, dans un contexte de réarmement généralisé ;

  2. Le risque de pressions protectionnistes accrues, notamment au lendemain des élections américaines – on a pu noter ainsi ces derniers jours que les marchés associent une victoire de Donald Trump à un retour plus marqué de l’inflation.


Il est clair que l’évolution des taux d’intérêt reste principalement déterminée par les Etats-Unis et leur dette.


A la veille des élections présidentielles, les marchés ne semblent satisfaits par aucun candidat. D’un côté comme de l’autre, ils craignent des dépenses et des pressions fiscales supplémentaires. Ces scenarios rencontrent un réel écho en France notamment, lorsqu’on examine les programmes des partis extrêmes – de gauche comme de droite.


Or, nos économies sont déjà fort endettées. Les Banques Centrales tentent de leur côté de normaliser leurs bilans – cherchant ainsi à réduire la masse monétaire infusée dans les économies et source d’inflation. Elles y sont d’autant plus incitées que se profilent une nouvelle vague d’investissements : ceux de la transition énergétique. Or les programmes annoncés dans ce domaine sont non seulement colossaux (rien que pour la France, le récent Rapport Pisani-Ferry / Mahfouz chiffre le montant de 66 Milliards d’euros par an pour les 10 prochaines années), qui seraient principalement à la charge des Etats (car non profitables – un point qui reste à débattre).


Enfin, parmi les principaux défis qui nous attendent figure l’investissement dans les énergies décarbonées et leur corollaire enjoint des transformations d’importance considérable. La part des financements privés dans ce domaine tend à croître. Il reste qu’une part de ces transformations sera à la charge de la collectivité.

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