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Entretien avec Brice Teinturier, directeur général délégué IPSOS

Dernière mise à jour : 14 févr.



Portrait de Brice Tinturier
Brice Teinturier

La 22ème édition du baromètre du Cercle des Epargnants en partenariat avec Ipsos, couvrant la période de 2023 a été réalisée alors que l’inflation occupe une place centrale dans l’actualité. Cela a-t-il eu un impact sur la perception des Français en matière d’épargne et de retraites ?

Clairement, la question du pouvoir d’achat écrase tout ! Au-delà du seul baromètre que nous réalisons pour le Cercle des Epargnants, nous mesurons depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine que cette préoccupation ressort toujours en tête dans toutes nos enquêtes d’opinion, qu’elles soient sociétales ou politiques. Dans ce baromètre sur « l’épargne et la retraite » une large majorité des Français nous disent que leur pouvoir d’achat a diminué en 2023. Certes dans une moindre proportion qu’en 2022 mais cela reste sensible tout de même. Concrètement, en matière d’épargne cela les conduit à privilégier être tentés par des produits un peu plus rémunérateurs, quitte à ce qu’ils soient moins liquides. Autre conséquence : les préoccupations autour de l’environnement stagnent. Seuls 28% des Français se disent prêts à investir sur des placements peu rémunérateurs mais qui sont socialement et écologiquement responsables. Plus généralement, la hausse des taux d’intérêt induite par le choc inflationniste a profondément modifié les stratégies des Français en matière d'épargne : ils sont de moins en moins portés sur l'investissement immobilier mais se disent beaucoup plus incités à choisir des placements financiers plus risqués ou moins liquides mais mieux rémunérés.


Pourtant, le Livret A qui est totalement liquide et non risqué reste le produit d’épargne préféré des Français...

Oui plus que jamais avec 38% des Français qui le placent en tête comme le meilleur produit pour épargner et 50% qui le placent en première ou seconde position. Nous sommes très loin devant l’Assurance-vie qui, à 28%, est au plus bas depuis 2019. Mais cet engouement pour l’épargne réglementée est lié à l’augmentation de la rémunération proposée et au fait que ce produit, qui existe depuis 200 ans, reste un « réflexe naturel » dans toutes familles quand on commence à épargner. Sur le fond pourtant, les choses évoluent. Alors qu’en 2019, les Français étaient toujours très « fourmis » (sécurisant leur épargne pour préparer l’hiver) ils le sont de moins en moins. Certains par contrainte, car la baisse du pouvoir d’achat les conduit à accroître la part consacrée à la consommation mais aussi par préférence : alors que 38% des Français préfèrent globalement placer leur argent sur des produits rentables plutôt que sûrs, cette proportion monte à 48% chez les moins de 35 ans. Cet appétit des plus jeunes pour le risque est sans doute lié à la globalisation, à la volonté de se calquer davantage sur des modèles anglo-saxons (plutôt « cigales », dans le sens où ils s’endettent et prennent davantage de risques), et à la multiplication des crises (dans un contexte toujours plus important, on cherche à profiter car on ne sait pas de quoi l’avenir est fait).

 

Cette inquiétude autour de l’inflation a aussi globalement eu un impact sur le besoin d’information financière ?

J’y vois une tendance lourde du baromètre au cours des 5 dernières années. Plus de deux français sur cinq (un peu plus de 42% précisément) indiquent suivre l’actualité sur les sujets de l’épargne et des placements financiers. Cette hausse de 9 points est directement liée à la hausse de l’inflation. Et la progression est particulièrement forte chez les jeunes : alors que plus d’un français sur deux se dit intéressé d’une manière générale par l’épargne et la finance, ce chiffre monte à 64% chez les moins de 35 ans. Cela signifie qu’à terme, ces sujets vont prendre une part croissante dans l’actualité.


Quelles sont les perspectives en matière d’épargne pour 2024 ?

Ce qui est intéressant c’est que malgré l’inflation la part des Français souhaitant épargner davantage reste assez stable. Parallèlement, le nombre de Français déclarant vouloir davantage puiser dans leur épargne augmente ! Cela n’a rien de contradictoire mais témoigne d’une polarisation grandissante des stratégies en matière d’épargne qui est marquée par le creusement des inégalités ayant émergé avec la crise sanitaire et  s’est renforcée avec l’inflation.


L’autre grand enseignement du baromètre est également l’installation progressive du PER dans le paysage des produits d’épargne.

Oui, le PER a mis du temps à démarrer au lendemain de la loi Pacte mais il a été incontestablement dopé par le débat sur la réforme des retraites de 2023. Pour les Français, la première raison d’épargner c’est de se constituer une épargne de précaution et la deuxième de se constituer une retraite. Or, quand on leur demande quel est le meilleur produit d’épargne pour la retraite, les Français placent le PER en deuxième position justement, alors qu’il était encore troisième en 2022. Ce produit est de plus en plus connu, les 2/3 des personnes sondés le jugent de plus en plus attractif, notamment fiscalement.


C’était également la première fois que vous réalisez ce baromètre depuis la réforme des retraites intervenue mi-2023.

Effectivement. On y voit que les Français continuent à s’estimer plutôt mal informés malgré les nombreux débats auxquels ils ont assisté. Mais ce sujet préoccupe un peu moins : il a été tranché et l’on voit mieux de quoi demain sera fait. Pour preuve, c’est la première fois que le financement de l’Assurance maladie est jugé plus préoccupant que celui des retraites. Enfin, si les deux tiers des Français se disent toujours inquiets de l’avenir du système des retraites, ce sentiment a nettement diminué au fil des années puisqu’il était de 87% en 2017 lors de l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée.

 

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