Entretien avec Catherine Leroy, directrice épargne salariale et retraite chez Amundi
Quelles sont les grandes tendances en matière d’épargne salariale ? La tendance est clairement au développement de l’épargne salariale. Les chiffres du 1er semestre 2022 –période la plus significative car c’est à ce moment-là que l’essentiel de l’épargne salariale est versé – sont très bons. Ils sont portés par les résultats 2021 des entreprises, en forte progression, qui leur permettent d’accroître le montant versé en participation. Ce dispositif est très vertueux car il associe les salariés directement à la création de richesse de l’entreprise. L’épargne salariale est également portée par l’intérêt croissant pour les politiques RSE de la part des entreprises. Celles-ci sont en effet de plus en plus nombreuses à en faire un outil de motivation et d’engagement de leurs salariés au travers des accords d’intéressement. Au total, aujourd’hui, on estime qu’environ 11 millions de salariés ont un dispositif d’épargne salariale dans 360 000 entreprises. L’encours total de cette épargne s’élève à 165-170 milliards d’euros.
Quelle est la tendance par taille d’entreprise ? Autrefois, l’épargne salariale était principalement l’apanage des grandes entreprises. Progressivement les ETI s’y sont mises et cette pratique s’étend désormais aux PME. Mais il reste beaucoup de pédagogie et d’accompagnement à fournir dans les petites entreprises puisqu’aujourd’hui seules 15% des PME environ proposent une épargne salariale. Ce dispositif, pour autant, va gagner en importance dans la période actuelle de tensions en matière de recrutement car l’intéressement et l’épargne salariale sont très clairement des outils efficaces pour attirer des talents en offrant des packages de rémunération plus intéressants. Des mesures d’assouplissement pour la mise en place et de suppression du forfait social vont favoriser le développement dans les TPE/PME dans les années à venir également. En quoi la RSE influence-t-elle l’intéressement versé par les entreprises ? Certaines entreprises ont fait le choix de conditionner le versement de l’intéressement à l’atteinte d’objectifs précis en matière sociale et environnementale. C’est une bonne manière de créer une saine émulation à tous les niveaux de l’entreprise : les salariés sont directement intéressés à la réussite de la mise en place des critères RSE et cela permet aux dirigeants d’accompagner plus facilement la transformation de leur entreprise en la matière. Nous pouvons d’ailleurs, s’ils les souhaitent, les accompagner, dans la définition de ces objectifs pour les aider à en faire un instrument efficace.
Depuis la loi Pacte le PER Collectif s’est beaucoup développé et nous constatons de plus en plus de versements de la part de salariés en fin d’année
Quelle est la répartition entre Plan épargne entreprise et le PER collectifs? Le Plan épargne entreprise reste leader car il offre une plus grande souplesse d’utilisation, à l’inverse du PER qui a pour vocation d’être conservé jusqu’à la retraite, sauf cas de déblocage anticipé. Mais depuis la loi Pacte, le PER Collectif s’est beaucoup développé et nous constatons de plus en plus de versements de la part de salariés en fin d’année, souvent dans un souci d’optimisation fiscale. De même, du point de vue de l’entreprise, le PEE a longtemps été privilégié car il permet de développer l’actionnariat salarié. Mais auprès des entreprises aussi le PER collectif progresse, notamment sous l’effet de la demande des salariés qui attendent de plus en plus de leur employeur un cadre d’épargne pour préparer leur retraite Comment a évolué la réglementation en matière d’épargne salariale au cours des dernières années ? Reste-il des améliorations possibles en matière de réglementation ? La loi Pacte a été une avancée exceptionnelle pour promouvoir les dispositifs de retraite mais aussi d’épargne salariale notamment dans les plus petites entreprises avec la suppression du forfait social essentiellement. D’une manière générale, il faut continuer à simplifier les démarches administratives notamment pour que les PME puissent y accéder plus facilement, favoriser une homogénéisation du forfait social et poursuivre les avancées de simplification intégrées dans la Loi pouvoir d’achat (comme la possibilité de mettre en place un dispositif d’épargne salariale ou retraite par décision unilatérale dans les les entreprises de moins de 50 salariés, sous certaines conditions). Que pensez-vous des mesures ponctuelles de déblocage exceptionnel, comme celle décidée par le gouvernement d’autoriser le déblocage jusqu’à 10 000 euros de l’épargne salariale avant la fin de l’année ? Il faut considérer cette mesure comme un moyen de répondre à un problème conjoncturel particulier, en l’occurrence la préservation du pouvoir d’achat des ménages dans un contexte de tensions inflationnistes. Attention juste de ne l’utiliser que lorsque l’on est effectivement confronté à un problème ponctuel de pouvoir d’achat. Car dans l’absolu, la période n’est pas idéale pour débloquer son épargne salariale, après une année difficile pour les marchés financiers. Nous n’avons pas encore de tendance sur l’ampleur actuelle de déblocage anticipé de leur épargne par les salariés mais historiquement ces mesures ont toujours obtenu un succès mitigé in fine. Nous verrons si cela est également le cas cette année…
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